Si l’on a une seule bouche, en revanche, nous avons 2 oreilles. Mais c’est un détail auquel nous n’avons jamais fait très attention et du coup, nous parlons souvent plus que nous écoutons. Ce qui est un tort. Si l’on se rendait compte des bienfaits d’une écoute attentive, nous réglerions beaucoup de problèmes de communication au quotidien.
Vous allez me dire, en quoi cela regarde notre affaire ? Dans l’écriture le but n’est pas de parler mais bel et bien d’écrire ! Oui, c’est vrai. Mais votre capacité à capter votre public viendra de ce que vous avez su avant tout, l’écouter.
Au cinéma par exemple, les silences sont d’or. De grands réalisateurs en ont fait un outils de travail percutant, ils s’en servent notamment pour mettre en valeur les émotions de leurs personnages, pour dénoncer la violence, ou même pour donner plus de force à certaines scènes intimes.
Par exemple, dans le film de Wong Kar-Wai, « In the Mood for Love », les deux personnages principaux se parlent très peu et leurs silences continus permettent de sublimer leur sentiment amoureux. Au Québec, le film est sorti sous le titre: « Les Silences du Désir ». Une très belle traduction qui capte l’essence même du film.
La bouche garde le silence pour écouter parler le coeur.
Alfred de Musset
À contrario, dans « Au Pays du Sang et du Miel » d’Angelina Jolie , la réalisatrice a fait le choix de « zéro musique » afin de mettre en relief des scènes crues. Radical. On reçoit cette violence de plein fouet et on la rejette d’autant plus fortement qu’elle est insupportable. Et pour vous donner un dernier exemple, la cinéaste Sofia Coppola dans son film « Somewhere », utilise le silence pour donner corps à l’ennui. Rien à voir, mais très efficace aussi.
Je vous conseille maintenant d’aller consulter l’émission Les Silences au Cinéma, produit par ARTE, c’est très instructif !
Le silence de l’acteur.
Lorsqu’il passe du texte écrit à la répétition, l’acteur se trouve face au moment inéluctable où il doit écouter. Écouter son partenaire, son metteur en scène, voire son public s’il y a des réactions qui viennent de la salle…
Savoir recevoir l’énergie que vous envoie votre partenaire de jeu est vital. Et il faut apprendre à y répondre de manière organique. Les acteurs débutants se coupent souvent la parole ou ne la prennent pas quand il faut, parce qu’en fait, ils ne savent pas encore bien gérer l’écoute active.
Il y a un exercice très intéressant que l’on pratique dans les cours de théâtre et qui permet justement de développer cette faculté, c’est l’exercice du miroir. Deux personnes sont face à face, l’une des deux initie des mouvements que l’autre, comme s’il était son miroir, est obligé de reproduire avec autant d’exactitude que possible. Un exercice qui, symboliquement, pourrait s’adapter à beaucoup de situations complexes de la vie quotidienne. S’habituer, grâce à l’écoute active, à se mettre « dans les chaussures de l’autre. » C’est une expression qui me vient de la langue hollandaise et qui, je l’avoue, me plaît bien car elle est très imagée et évocatrice 😉
Maintenant que vous comprenez l’importance du silence dans le monde virtuel du film, revenons à la vraie vie.
Être attentif au langage du corps.
En psychologie on l’étudie sous le nom de communication non verbale. C’est l’art de décrypter les signaux que nous envoient directement le corps, sans passer par la parole. Souvent ces messages sont performants car nous y répondons sans même nous en rendre compte 🙂
On demande toujours à un acteur, par exemple, de ne pas croiser les bras ou les jambes (signe de fermeture), et de prendre conscience de l’importance de ses regards. S’il ne doit jamais se tourner vers la caméra, son regard en revanche, doit rester concentré sur le sentiment qu’il veut faire passer. S’il lève les yeux au ciel il n’enverra pas le même message que s’il fixe la poitrine de sa partenaire de jeu 🙃. On lui apprend aussi à développer ses compétences oratoires grâce à des gestes explicatifs et ciblés (ce que font très bien les acteurs italiens! Je me rappelle d’ailleurs qu’à mes débuts en tant que comédienne, je ne savais jamais quoi faire de mes mains lorsque j’étais sur scène. J’avais toujours envie de me les couper! 😂 ).
De même, tout ce qui touche nos choix vestimentaires, l’envie de montrer un tatouage, un piercing, d’arborer une nouvelle coupe de cheveux, participe à la communication non verbale. Par exemple, porter une frange est un signe de séduction et nous ne serons pas sans rappeler celle de la divine Sophie Marceau.
Ainsi, par notre apparence physique générale nous envoyons tous les jours des messages à nos interlocuteurs, autant de moyens de leur faire savoir implicitement que nous sommes une personne timide, un peu garçon manqué ou même complètement extravertie.
Exercez-vous à écouter
Il est temps maintenant de passer à l’action. Essayez, lors d’une prochaine conversation d’écouter votre interlocuteur davantage que vous ne lui parlerez. Faites cet exercice autant de fois que possible et vous vous apercevrez rapidement que ce n’est pas si simple d’être présent à l’autre.
Au début vous le ferez un peu machinalement, puis rapidement vous commencerez à ressentir de l’empathie et avec le temps, vous vous sentirez même transformé.
Lorsque j’écris un scénario, je travaille tout d’abord longuement à la table sur le squelette de l’histoire, je crée un passé, un présent et un futur à mes personnages. Je les imagine tout petits, puis enfants, adolescents, adultes, je joue avec eux, bref j’attends le moment où ils ne pourront plus se taire. Où je devrai absolument commencer à leur écrire des dialogues parce qu’ils voudront à tout prix s’exprimer. Un petit peu comme le jour où Pinocchio demande à Gepetto de devenir un vrai petit garçon… Et à ce moment-là, c’est vraiment merveilleux. La parole des personnages se libère et elle est toujours juste.
L’apprentissage de la pleine écoute vous aidera à nourrir les protagonistes de vos histoires et vous vous habituerez ainsi à puiser dans votre entourage tout ce dont vous aurez besoin pour construire vos personnages.
Souvent nous commençons à écrire la continuité dialoguée (ou scénario) trop tôt. Du coup, les dialogues sont souvent inconsistants, clichés et superficiels.
Je vous conseille par exemple de revoir la scène du début du film « Rencontre avec Joe Black« , lorsque Susan et Joe Black font connaissance dans ce petit café New-Yorkais. Vous verrez que celle qui écoute, c’est Susan. Son visage est très expressif et elle vit la scène plus intensément. Vous remarquerez aussi que les dialogues sont parfaits. Il n’ont pourtant rien d’original, mais ils sont vrais, justes, tendres, authentiques, et on est touché dès les premiers instants de film. J’en profite pour souligner l’utilisation du silence pendant qu’ils préparent leur tasse de café… 😉
Tout ça pour dire que la justesse des dialogues est vitale. Pour attirer l’attention du spectateur, il ne s’agit pas d’être atypique, choquant, blessant, cynique ou je ne sais quoi encore, non. Il faut simplement être soi-même et vibrer à la même longueur d’onde que les personnages que l’on crée. Voilà pourquoi l’écoute est si importante dans le processus d’écriture.
Pour clore ce chapitre, je laisserai la parole au merveilleux poète, Christian Bobin qui a dit:
« Écouter c’est quand on aime! »
Et je vous souhaite d’écouter beaucoup, beaucoup et longtemps…
Passionnant le thème de l’écoute.
Comme le dit le proverbe chinois, il faut 2 ans pour apprendre à parler et toute une vie pour apprendre à écouter.
Que l’écoute est importante pour apprendre à comprendre l’autre.
Écouter ce n’est pas juste attendre pour parler mais bien s’intéresser sincèrement à l’autre.
Quant aux silences, je les apprécie tant dans les films de Melville ou encore dans le jeu de Michel Bouquet.
Que ce soit l’ecoute dans la découverte, ou les silences dans les négociations ce sont deux outils d’une incroyable puissance dans les relations humaines.
Merci Ysé pour cet article et son éclairage 🙂
Oh merci Virgil Benyayer, je suis touchée par ce commentaire sincère! En effet, si nous nous écoutions davantage les uns, les autres, et mieux, ce monde tournerait plus rond 😉